Enjoy ! C8 sanctionnée : le Conseil d’État confirme la mise en demeure après une séquence jugée « attentatoire à la dignité humaine »

C8 sanctionnée : le Conseil d’État confirme la mise en demeure après une séquence jugée « attentatoire à la dignité humaine »

Publié le : 19-04-2025 18:44 | Catégorie : television

Image de l'article

Une séquence controversée qui continue de faire des vagues

Plus d’un an après sa diffusion, la séquence de Touche pas à mon poste consacrée à Loana continue de provoquer des remous. Ce jeudi 17 avril 2025, le Conseil d’État a confirmé la mise en demeure adressée par l’Arcom à la chaîne C8, aujourd’hui disparue des ondes, pour manquement à son obligation de respect de la dignité de la personne humaine. L’affaire concerne une émission diffusée le 5 février 2024, dans laquelle Loana, ancienne icône de la télé-réalité, avait été interrogée dans des conditions jugées inacceptables par le régulateur.

Alors que Loana témoignait de l’agression sexuelle dont elle aurait été victime en septembre 2023, la diffusion avait choqué de nombreux téléspectateurs, mais aussi les autorités de régulation. La jeune femme apparaissait en grande difficulté, visiblement éprouvée et victime de troubles d’élocution, sans que l’animateur Cyril Hanouna ni ses chroniqueurs ne prennent de mesures pour adapter leur comportement ou protéger l’invitée.


Les reproches du Conseil d’État à l’encontre de C8

Dans sa décision, le Conseil d’État a repris point par point les éléments soulevés par l’Arcom, en validant la lecture sévère des événements. Le tableau suivant récapitule les manquements constatés :

 

Élément examiné Constat du Conseil d'État
Diffusion de photographies intimes Photographies du corps dénudé de Loana diffusées malgré leur caractère traumatique
Enchaînement de questions insistantes et intimes Interrogatoire jugé pressant, intrusif et inadapté à la situation psychologique de l’invitée
Attitude des chroniqueurs Absence de retenue, ricanements, propos déplacés (« Vous le faites exprès de parler comme ça ? »)
Absence de maîtrise de l’antenne Aucun recadrage de la part de l’animateur, non-intervention pour protéger l’invitée en situation de détresse
Choix éditorial Le traitement global a été jugé complaisant et voyeuriste, contrevenant aux règles de décence et de respect
Argument du consentement de Loana Rejeté par la juridiction : le consentement n’exonère pas de la responsabilité éditoriale
Absence de replay/post-diffusion Non considéré comme une mesure suffisante pour réparer la faute

Un refus clair du Conseil d’État face à la défense de C8

La défense de C8 s’était articulée autour de plusieurs points : le consentement explicite de Loana à venir témoigner, le fait qu’elle ait elle-même fourni des photographies, ainsi que le retrait ultérieur de la séquence des plateformes de replay. Mais ces éléments ont été jugés non pertinents ou insuffisants par les magistrats.

Le Conseil d’État insiste sur un fait majeur : le devoir de protection incombe à l’éditeur, quel que soit le niveau de consentement de l’invitée. Lorsqu'une personne est manifestement en situation de vulnérabilité – ce qui était le cas de Loana – il est du ressort de l’émission d’ajuster son dispositif pour garantir dignité, retenue, et bienveillance. Ce qui n’a manifestement pas été fait.


L’attitude des chroniqueurs au cœur des critiques

Au-delà de la ligne éditoriale, c’est aussi le comportement du plateau qui a pesé lourd dans la décision du Conseil d’État. L’instance a souligné que plusieurs chroniqueurs, au lieu d’apporter du soutien ou de faire preuve de respect, ont contribué à renforcer le malaise :

  • Jacques Cardoze a ironisé sur les troubles d’élocution de Loana, provoquant un malaise immédiat.

  • Kelly Vedovelli a multiplié les questions confuses et intrusives sur les circonstances de l’agression.

  • Des rictus et des rires ont été observés dans le public et autour de la table sans aucune réaction ferme de la part de Cyril Hanouna.

Le Conseil estime que cette absence de réaction, sur un sujet aussi grave, constitue une faute éditoriale majeure et une défaillance dans la maîtrise de l’antenne, pourtant une obligation de base pour tout diffuseur.


Une décision symbolique malgré la disparition de la chaîne

Ironie du calendrier, cette sanction est tombée plus d’un mois après l’arrêt des programmes de C8, décidée par son propriétaire Vincent Bolloré dans le cadre d’une réorganisation du pôle télévisuel du groupe Canal+. Toutefois, cette décision conserve une portée symbolique forte : elle souligne que le respect de la dignité humaine s’impose même aux contenus spectaculaires ou sensationnalistes, et que les dérives médiatiques, aussi tardives soient-elles, ne peuvent rester sans réponse.


Analyse : un tournant pour la régulation du spectacle médiatique ?

Cette affaire marque un tournant dans la perception publique et institutionnelle des formats télévisés comme TPMP, souvent accusés d’avoir franchi les limites de l’éthique pour générer du buzz ou de l’audience. Le Conseil d’État envoie un message clair : les choix éditoriaux doivent être compatibles avec la protection de l’individu, notamment lorsque celui-ci est dans une situation de fragilité psychologique ou physique.

Elle montre également que les règles du journalisme – prudence, respect, humanité – ne s’appliquent pas uniquement aux journaux télévisés, mais aussi aux émissions dites de divertissement, dès lors qu’elles abordent des sujets aussi sensibles que le viol, la souffrance ou les parcours de vie brisés.


Conclusion

La validation par le Conseil d’État de la mise en demeure infligée à C8 pour sa gestion de l’interview de Loana constitue un avertissement sévère aux chaînes de télévision. Elle rappelle qu’aucune audience ne justifie une atteinte à la dignité humaine, et que le spectacle médiatique doit impérativement intégrer des garde-fous éthiques, surtout lorsqu’il s’agit de victimes de violence.

À l’heure où les frontières entre information, divertissement et voyeurisme se brouillent, cette décision fait figure de réaffirmation des principes fondamentaux du service audiovisuel : protéger les personnes, et non les exposer.

Articles similaires