Chaque année, le festival de Coachella est l’occasion pour les plus grandes stars mondiales de briller sous les projecteurs californiens. Mais en 2025, un débat inattendu s’est invité dans l’arène musicale. Samedi soir, deux artistes majeurs ont partagé la vedette : Green Day, groupe culte du punk-rock américain, et Charli xcx, popstar britannique en pleine explosion avec son album Brat. Une photo devenue virale montrant Charli xcx avec une écharpe "Miss aurait dû être la tête d'affiche" a mis le feu aux poudres… et les réseaux sociaux se sont embrasés. Qui méritait vraiment d’être headliner ? Décryptage d’un clash générationnel qui soulève bien plus qu’une question d’ordre de passage.
Une photo, un message, un raz-de-marée
Tout est parti d’un cliché. Sur les réseaux sociaux, on découvre Charli xcx, détendue à l’afterparty de son concert, portant fièrement une écharpe barrée d’un message ironique : "Miss aurait dû être la tête d'affiche". Pour ses fans, cette phrase fait écho à une performance explosive et acclamée par la critique, marquée par des duos surprises avec Billie Eilish, Troye Sivan et Lorde. Sur TikTok, X (ex-Twitter) et Instagram, les extraits de son show se propagent à une vitesse folle, alimentant l’idée qu’elle aurait dû occuper le créneau de clôture du samedi soir.
Pourtant, la tête d’affiche officielle de la soirée n’était autre que Green Day. Un monument de la musique alternative américaine, toujours aussi percutant après près de 40 ans de carrière. Le groupe a, comme à son habitude, enflammé la scène avec des titres cultes comme American Idiot et Basket Case, tout en prenant position sur des sujets politiques sensibles, notamment le conflit israélo-palestinien ou l'élection de Donald Trump.
Les fans se déchirent sur les réseaux : "Qui est la vraie star ?"
Depuis la publication de cette écharpe ironique, une guerre ouverte entre fans s’est installée sur X. D’un côté, les défenseurs de Green Day brandissent l’argument de l’héritage musical. « Green Day qui fait un acte politique sur des choses qui comptent vraiment, alors que des petites pop stars parlent de cocaïne » peut-on lire. D’autres rappellent que malgré les années, Green Day reste plus écouté que Charli xcx sur Spotify, avec environ 2 millions d’auditeurs mensuels d’écart.
Certains n’y vont pas avec des pincettes : « Elle pense pouvoir se comparer à Green Day ? J’ai vu le concert de Lady Gaga vendredi, et elle a regardé droit dans les yeux le public qui l’a menée au sommet. La même chose s’est produite avec Green Day. C’est cet héritage qui permet d’être en tête d’affiche ». Ou encore : « Charli xcx a laissé la hype lui monter à la tête. Green Day a profité de son concert pour répandre la bonne parole. Ils sont toujours plus légitimes qu’elle ».
Un internaute résume le ressentiment d’une partie du public : « Même si vous n’êtes pas d’accord et pensez que Charli aurait dû être tête d’affiche, la voir porter cette écharpe est irrespectueux face à un groupe pilier de l’industrie musicale ».
D’un autre côté : la montée fulgurante de Charli xcx
Face à ces critiques, les fans de Charli xcx contre-attaquent. Pour eux, la popstar incarne l’air du temps. Son album Brat, salué pour sa fraîcheur et son audace électronique, a marqué un tournant artistique dans sa carrière, au point d’attirer l’attention de stars comme Billie Eilish. Sa prestation à Coachella, alliant esthétique futuriste, chorégraphies millimétrées et collaborations prestigieuses, a été vécue par beaucoup comme un moment historique.
Surtout, Charli xcx incarne une nouvelle génération d’artistes qui s’émancipent des formats classiques, dialoguent avec leur communauté sur les réseaux, et explorent sans complexes les frontières entre pop, électronique et expérimental. Elle est devenue une icône queer, féministe, et cybernétique, à l’opposé du rock engagé des années 2000.
La fameuse écharpe, pour beaucoup, était une simple blague, un clin d’œil auto-parodique à un débat que Charli xcx connaît bien. En 2022, déjà, elle avait ironisé sur le fait de ne jamais être assez populaire pour occuper les premières lignes d’un festival. En la portant, elle retourne le stigmate en geste de provocation artistique.
Qui mérite vraiment la tête d’affiche ?
La question qui divise n’est pas nouvelle : qu’est-ce qui fait d’un artiste une tête d’affiche légitime ? Est-ce la longévité ? Le nombre d’albums vendus ? L’impact culturel ? Ou la popularité du moment ?
Green Day coche toutes les cases du classicisme rock : carrière iconique, textes engagés, public fidèle. Le groupe est un pilier d’une époque où la scène punk-rock était synonyme de rébellion politique. Être tête d’affiche d’un festival majeur comme Coachella semble être une récompense logique pour une telle carrière.
Charli xcx, elle, représente une nouvelle forme de célébrité, moins linéaire, plus mouvante. En 2020, elle a composé un album entier (How I’m Feeling Now) pendant le confinement, avec l’aide de ses fans. En 2024, Brat est devenu viral avant même sa sortie. Son ascension repose moins sur les médias traditionnels que sur une stratégie numérique fine et une identité artistique forte. Elle ne joue pas selon les mêmes règles, mais impose les siennes.
Programmations de festival : une mécanique complexe
Ce clash met aussi en lumière la façon dont les festivals organisent leurs affiches. Si autrefois, les artistes étaient classés selon leur popularité ou leur prestige, beaucoup d’événements optent aujourd’hui pour un ordre alphabétique afin d’éviter les conflits de hiérarchie. Ce fut le cas pour Coachella… mais cela ne règle pas tout.
Des précédents existent. En 2017, à Rock en Seine, Jain, programmée à 17h, avait attiré plus de monde que les têtes d’affiche du soir. En 2024, Zaho de Sagazan avait aussi impressionné le public à 16h avec une foule digne d’une star de fin de soirée. Cela montre qu’un statut peut évoluer rapidement, et qu’une tête d’affiche "naturelle" peut émerger, parfois à rebours du programme officiel.
Au-delà de la querelle : deux visions de la musique
Finalement, l’affrontement entre Green Day et Charli xcx — ou plutôt, entre leurs fans — illustre un choc générationnel et culturel. Il ne s’agit pas simplement de savoir qui a "le plus de streams", mais de comprendre que la légitimité artistique peut se décliner de plusieurs manières.
Green Day est la voix d’une époque, d’une colère sociale exprimée à travers des guitares électriques et des refrains scandés. Charli xcx est celle d’une ère fluide, hybride, où les codes sont déconstruits, remixés, réinventés. Ce n’est pas forcément une opposition, mais une cohabitation — pas toujours pacifique — de deux visions du monde.
L’écharpe "Miss aurait dû être la tête d’affiche" n’est alors ni une provocation gratuite, ni une marque d’arrogance. C’est une invitation à reconsidérer les critères de reconnaissance artistique, à questionner les héritages, à débattre — avec passion mais sans haine — sur ce que signifie briller sur la scène d’un festival aujourd’hui.
Conclusion : une polémique révélatrice d’un monde en mutation
Qu’on penche du côté de Green Day ou de Charli xcx, ce débat révèle une chose essentielle : la musique reste un terrain d’émotions, d’identification, et parfois de confrontation. Les festivals, plus que jamais, sont les miroirs d’une société plurielle, où se croisent les générations, les goûts, les styles de vie.
Au fond, la vraie tête d’affiche, c’est peut-être celle ou celui qui fait parler, vibrer, discuter. Et sur ce point, samedi soir à Coachella, Charli xcx et Green Day ont parfaitement rempli leur mission.