De plus en plus présents sur les plateaux de tournage, les coordinateurs d'intimité ont pour mission d'encadrer les scènes de sexe et de nudité afin d'assurer sécurité, confort et consentement aux comédiens. Un rôle encore débattu dans une industrie en pleine mutation, où les icônes d'hier peinent parfois à s'adapter aux pratiques d'aujourd'hui.

Le coordinateur d'intimité : un métier au cœur de la modernisation du cinéma

Apparu récemment dans l'industrie audiovisuelle, le poste de coordinateur d'intimité vise à professionnaliser et sécuriser la représentation de la sexualité à l'écran. Ce spécialiste travaille main dans la main avec les acteurs et les réalisateurs pour chorégraphier les scènes intimes, garantir le consentement et anticiper les éventuels malaises liés au tournage de scènes sensibles.

Des séries à succès comme Normal People ou des films salués comme Pauvres créatures ou Challengers ont bénéficié de cette approche rigoureuse, axée sur le respect des limites de chacun et sur la qualité artistique des scènes tournées.

Hollywood face à une nouvelle réalité : entre scepticisme et ouverture

Malgré la reconnaissance progressive de ce métier, certaines figures emblématiques du cinéma américain se montrent réticentes. Richard Gere, acteur adulé des années 80 et 90, a ainsi exprimé son incompréhension face à cette évolution : « On s'en passait très bien il y a 40 ans ! ».

L’interprète de American Gigolo ou Pretty Woman ne cache pas sa perplexité : « À vrai dire, je ne pense pas que ça aurait fonctionné à l'époque. On était à l’aise comme ça dans les années 80. » Des propos qui reflètent une époque différente, marquée par un rapport à la nudité bien moins encadré qu'aujourd'hui.

Kim Basinger : même constat, même réserve

L’icône de Neuf semaines et demie, Kim Basinger, abonde dans le même sens. « Je ne peux pas imaginer que quelqu’un vienne vers moi et me dise : 'Cela vous dérange s’il met sa main ici ?' ». Pour elle, la présence d’une tierce personne pourrait nuire à la spontanéité des scènes, voire les rendre mécaniques.

« Soit on règle le problème, soit on ne le fait pas. Je ne vois pas pourquoi il est nécessaire de procéder à des visites surveillées. » Une approche directe et instinctive, plus en phase avec l’esprit de l’époque dont elle est issue.

Le contre-exemple contemporain : Gwyneth Paltrow et l'approche moderne

À l’opposé, des actrices de la nouvelle génération comme Gwyneth Paltrow saluent cette évolution. Lors d’une interview récente, elle partageait son expérience sur une scène de sexe avec Timothée Chalamet : « J’étais moi-même contre l’idée de travailler avec une coordinatrice d’intimité, mais j’avais tort ! ».

Elle évoque une véritable chorégraphie de la scène, pensée pour allier réalisme et confort : « Cette coordinatrice, telle une danseuse, a pensé les mouvements, ce qui a rendu les scènes bien plus naturelles à l’écran. »

Des productions marquantes sans coordination ? Le cas Anora

Preuve que la question reste délicate : dans Anora, Palme d’Or 2025 réalisée par Sean Baker, aucune coordinatrice d’intimité n’a été engagée malgré la présence de scènes très explicites.

L’actrice principale, Mikey Madison, s’est dite parfaitement à l’aise : « Je n’ai jamais pensé à être nerveuse. » Le réalisateur a toutefois encadré les répétitions avec sa propre compagne pour mieux préparer les acteurs, dans un esprit de confiance et de transparence.

Le débat de fond : confort ou censure ?

La question fondamentale reste posée : les coordinateurs d’intimité apportent-ils un réel mieux-être ou risquent-ils de brider la créativité artistique ? Si certains y voient une forme de censure déguisée, d'autres y trouvent une évolution nécessaire pour mieux respecter les limites humaines sur des scènes aussi délicates.

Les divergences générationnelles sont claires, et les arguments valides de part et d’autre. Ce débat reflète les bouleversements profonds du secteur audiovisuel, entre tradition et modernité, instinct et rigueur, liberté et éthique.

Une profession en quête de légitimité

Le métier de coordinateur d’intimité est encore jeune, et son intégration progressive dans les tournages continue de susciter débat. Mais une chose est sûre : le regard sur les scènes de sexe au cinéma change. Le respect, la préparation et l'écoute deviennent des piliers essentiels de cette transformation.

Qu’ils soient applaudis ou critiqués, les chorégraphes de l’intime participent à redéfinir les contours de l’intimité à l’écran. Et peut-être, aussi, à ouvrir la voie vers un cinéma plus respectueux, sans pour autant renoncer à sa puissance érotique et émotionnelle.