Le climat se tend au sein de Capital. Alors que le magazine économique de Prisma Media traverse une crise éditoriale et sociale majeure, les journalistes expriment leur défiance ouverte envers leur direction. Retour sur une situation symptomatique des mutations dans la presse économique française.
📉 Une rédaction en crise : 31 voix contre la direction
Le jeudi 19 juin 2025, la Société des journalistes (SDJ) de Capital a communiqué un résultat sans appel : 31 votes contre la direction, deux abstentions, aucun soutien exprimé en faveur d’Élodie Mandel, directrice de la rédaction. Une défiance quasi-unanime.
Cette motion, publiée sur le réseau social X, traduit un profond malaise dans l’équipe rédactionnelle. En toile de fond, une politique de réduction drastique des effectifs et un repositionnement éditorial qui suscite de nombreuses inquiétudes.
🔎 Un tiers de la rédaction supprimé en moins de six mois
Selon le communiqué de la SDJ, 17 postes (dont 13 CDI) ont été supprimés ou gelés depuis le début de l’année 2025. Des services clés, tels que la correction ou la rubrique énergie, ont été tout simplement désorganisés ou abandonnés. Le tableau suivant synthétise les principales données :
IndicateurValeurÉvolutionEffectifs supprimés (CDI + autres)17 postes-33% de la rédactionVentes mensuelles (2024)77 187 exemplaires-13,74 %Audience site webEn chute libre-46 % (janv. 2024 à mai 2025)
📚 L’identité éditoriale remise en question
La rupture ne s’explique pas uniquement par des raisons économiques. Au cœur des griefs : la volonté supposée d’Élodie Mandel d’« adoucir » la ligne éditoriale. Un choix qui heurte les journalistes, attachés à l’approche incisive qui a fait le succès du mensuel.
Le cas emblématique reste la dépublication — sans concertation — d’un article sur Alain Afflelou. Le titre initial, jugé trop « agressif », a été remplacé par une version édulcorée. Pour la SDJ, cette décision symbolise une volonté de séduire les annonceurs et de lisser le ton du journal.
💬 « Elle veut éloigner Capital de ce qui fait son identité »
Un journaliste, sous couvert d’anonymat, résume l’inquiétude générale : « Elle veut éloigner Capital du style mordant qui constitue son ADN. »
L’objectif affiché de la direction ? Rendre le magazine plus attractif auprès des chefs d’entreprises et partenaires économiques. Une stratégie qui heurte de plein fouet l’équipe, convaincue de la nécessité de conserver une information exigeante, indépendante, et accessible au grand public.
🏢 Prisma Media : une transformation controversée
Cette crise interne intervient dans un climat global de mutation chez Prisma Media, filiale du groupe Bolloré. En mai, la direction annonçait la suppression de 54 postes supplémentaires d’ici fin 2025, après un plan de départ volontaire en 2024 (27 départs). S’y ajoutent la perte du magazine Gala (cédé au Figaro) et la baisse des recettes publicitaires numériques, affectées notamment par les changements algorithmiques de Google.
Malgré les turbulences, Pascale Socquet, directrice générale de Prisma Media, maintient sa confiance en Élodie Mandel, estimant qu’elle incarne « la transformation nécessaire de Capital ».
📆 Quelle suite possible ?
Les négociations entre la direction et les partenaires sociaux se poursuivent jusqu’au 22 juillet 2025, date prévue de fin de la phase d’information-consultation. D’ici là, la SDJ espère faire entendre ses arguments et défendre une certaine idée du journalisme économique.
Alors que le titre traverse une baisse historique de ses ventes et de son audience en ligne, l’enjeu est de taille : réinventer Capital sans renier son identité.
