Depuis la fin des années 1980, les usagers de la ligne 11 du métro parisien, à la station Porte-des-Lilas, étaient accueillis par le visage bienveillant de Georges Brassens, immortalisé dans une mosaïque emblématique. Cette œuvre d’art publique, conçue comme un hommage vibrant au célèbre chanteur, a été totalement détruite durant l'été, dans l'indifférence apparente des autorités. Deux autres fresques représentant des lilas ont également été supprimées.
L’annonce de cette destruction, relayée par Le Parisien, a rapidement suscité une vague de mécontentement chez les riverains, les artistes et les amoureux du patrimoine. L’indignation est palpable, et les explications fournies par la RATP ne suffisent pas à apaiser les tensions.
Les raisons avancées par la RATP
La RATP justifie la démolition de ces œuvres par l’état de dégradation avancé de la station, causé notamment par des infiltrations d’eau. Selon l’entreprise de transport, les travaux de rénovation engagés depuis juillet rendaient impossible la conservation des fresques sans en compromettre la sécurité structurelle et la durabilité des infrastructures.
Dans un communiqué, la RATP précise : « La dépose des fresques nécessitait une découpe en plusieurs morceaux, ce qui aurait eu pour effet de les altérer sévèrement. Leur réinstallation n’aurait pas pu garantir une conservation digne de ce nom. »
Réactions en chaîne : entre colère et tristesse
Pour de nombreux usagers, c’est une perte culturelle inacceptable. L’émotion est d’autant plus forte que cette mosaïque ne se contentait pas de décorer les murs : elle incarnait l’identité artistique du quartier, rendant hommage à une figure intemporelle de la chanson française. Sylvain Oerlemans, président de l’association Racines du 93, dénonce une destruction opportuniste : « Le scandale est arrivé. C’est ce que je redoutais : qu’ils profitent de l’été, du moment où les regards sont ailleurs, pour faire disparaître ces œuvres. »
La mobilisation citoyenne n’avait pourtant pas manqué. Une pétition lancée en 2024 avait recueilli près de 10 000 signatures en faveur de la préservation du triptyque artistique. Ce soutien populaire n’aura malheureusement pas suffi à empêcher sa disparition.
Michel L’Huillier : un artiste trahi ?
L’auteur de la mosaïque, Michel L’Huillier, ne cache pas sa frustration. « Pendant les vacances, ils ont tout cassé. Ils n’ont même pas essayé de me prévenir à l’avance », déplore-t-il. Conçue en clin d’œil à la chanson Les Lilas, son œuvre était à la fois un hommage à Brassens et un ancrage local pour la station Porte-des-Lilas.
Selon la RATP, un contact aurait été établi avec l’artiste pour envisager une nouvelle création en hommage au chanteur, ainsi qu’une seconde œuvre dédiée à une artiste féminine. Une information que Michel L’Huillier dit ne pas avoir encore confirmée, tout en se montrant prudemment optimiste : « Ce serait une bonne nouvelle, si cela se concrétise. »
Georges Brassens et le métro : une relation unique
Georges Brassens, né en 1921 à Sète, est une figure tutélaire de la chanson française. Auteur de chefs-d'œuvre tels que Chanson pour l'Auvergnat ou Les Copains d’abord, il incarne une poésie populaire, profonde et indémodable. Sa présence dans le métro parisien symbolisait cette connexion directe avec le peuple et la culture de proximité.
Voici un aperçu de l’impact de Georges Brassens sur la culture française :
Année | Œuvre emblématique | Thème abordé |
---|---|---|
1952 | Le Gorille | Critique de la justice |
1954 | Les Amoureux des bancs publics | Liberté amoureuse |
1964 | Les Copains d’abord | Valeur de l’amitié |
Une œuvre d’art sacrifiée sur l’autel de la modernisation ?
La destruction de cette mosaïque s’inscrit dans une tendance plus large : la modernisation des infrastructures urbaines au détriment parfois du patrimoine culturel. Si l’amélioration de la sécurité et du confort des voyageurs est essentielle, elle ne devrait pas systématiquement se faire au prix d’une effacement artistique et mémoriel.
De nombreuses voix appellent aujourd’hui à une meilleure prise en compte du patrimoine artistique dans les projets de rénovation urbaine. Pour certains, il serait temps que les grandes institutions comme la RATP s’entourent d’experts en conservation et qu’elles associent les citoyens aux décisions concernant le mobilier culturel.
Vers une nouvelle ère pour l’art dans les transports ?
Malgré la tristesse liée à cette disparition, l’espoir subsiste qu’une nouvelle œuvre voie bientôt le jour. La promesse d’une fresque rendant de nouveau hommage à Georges Brassens — cette fois dans un lieu préservé des aléas techniques — pourrait constituer un renouveau, à condition qu’elle soit réalisée avec respect et concertation.
Ce cas relance aussi le débat sur la place de l’art dans les transports publics. Métro, bus et gares sont bien plus que des lieux de passage : ce sont des espaces d’expression, d’histoire et de culture. Chaque œuvre détruite est une page arrachée à notre mémoire collective.
Un devoir de mémoire artistique
La destruction de la mosaïque de Georges Brassens à la Porte-des-Lilas n’est pas un simple fait divers. Elle questionne notre rapport à l’art, à la mémoire, et aux choix faits au nom du progrès. Les réactions vives qu’elle a suscitées montrent combien les citoyens sont attachés à leur patrimoine culturel, même dans des lieux a priori utilitaires comme le métro.
Reste à espérer que cette affaire servira de leçon pour l’avenir : que chaque œuvre d’art publique, aussi discrète soit-elle, soit considérée avec le respect qu’elle mérite. Et que la modernisation des infrastructures puisse cohabiter avec la préservation de notre héritage collectif.
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