Alors que le théâtre parisien se prépare aux grandes sélections de fin d’année, une école d’art dramatique renommée fait face à une tempête médiatique. Le Laboratoire de l’acteur, dirigé par Hélène Zidi – fille du célèbre réalisateur Claude Zidi – et sa fille Lola, est accusé de méthodes pédagogiques toxiques, voire de harcèlement psychologique. Cette affaire soulève de nombreuses questions sur les limites de l’enseignement artistique et sur la frontière trouble entre passion, pression et pouvoir.

Un établissement prestigieux au cœur d’une tourmente

Le Laboratoire de l’acteur a longtemps été perçu comme un tremplin vers le succès pour de nombreux comédiens en devenir. Fondé et dirigé par Hélène Zidi, cette école est réputée pour son exigence, ses méthodes singulières et l’implication personnelle de sa fondatrice dans la formation des élèves.

Mais une enquête récente publiée par Libération vient bousculer cette image. Selon plusieurs témoignages d’anciens élèves, l’ambiance au sein de l’école serait comparable à une télé-réalité sous pression : moqueries, conflits entre partenaires de jeu, exigences extrêmes. Un climat anxiogène qui a fini par faire surface dans les médias.

Des témoignages accablants : entre jeu cruel et autorité abusive

Plusieurs anciens étudiants décrivent un environnement où la peur et la pression dominaient les relations entre enseignants et élèves. Léna, qui a suivi les cours du Laboratoire, explique : "On nous faisait comprendre que si notre binôme de scène nous tirait vers le bas, on devait le remplacer, sans scrupules. Tout tournait autour de la sélection finale."

Élise, une autre ancienne élève présente entre 2019 et 2022, va encore plus loin : "C’était une atmosphère de compétition toxique. Des scènes étaient volées, les critiques fusaient et les amitiés volaient en éclats à cause de la pression."

Ces récits font état d’un système basé sur l’élimination, la performance permanente et la peur de l’échec – loin de l’image bienveillante que véhicule l’enseignement artistique.

L’ironie du théâtre : jouer l’intime quand la réalité explose

Ironie du sort, c’est en pleine effervescence médiatique qu’Hélène et Lola Zidi sont montées ensemble sur les planches à l’occasion du Festival d’Avignon. Leur pièce, Anatomie d’une actrice, prétend révéler les failles, les blessures et les secrets du métier d’acteur. Un spectacle aux résonances étonnantes avec la réalité qu’elles traversent.

Les deux femmes ont toutefois préféré évoquer dans les médias leur lien familial et leur plaisir à travailler ensemble, plutôt que de répondre aux accusations. "On est superconnectées", affirme Lola. "À chaque fois qu’on travaille séparément, on se manque. C’est intense, c’est vivant, c’est nous."

Une relation mère-fille fusionnelle au cœur de leur univers créatif

Hélène Zidi ne tarit pas d’éloges à propos de sa fille. "Depuis sa naissance, elle m’a regardée avec des yeux grands ouverts, comme pour dire : ‘Je ne te lâcherai jamais’", confie-t-elle. Leur collaboration artistique est décrite comme une extension de ce lien fort, quasi instinctif.

De son côté, Lola se dit "admirative" de sa mère et ressent une profonde fierté à l’idée de créer avec elle. "Je sais que quand on travaille ensemble, ce sera toujours beau, intense et vrai. Ça compte énormément pour moi."

Une complicité réelle, mais qui ne suffit pas à faire taire les critiques – surtout quand la fille devient elle aussi une figure centrale de la polémique.

Lola Zidi, coach et cible des critiques

Désormais coach au sein du Laboratoire de l’acteur, Lola Zidi est elle aussi mise en cause dans les témoignages. Selon Nathalie, étudiante en 2021, les remarques qu’elle recevait de la part de Lola dépassaient largement le cadre artistique : "Elle sexualisait tout. Elle me disait que j’avais un problème avec les hommes et m’obligeait à raconter des aspects intimes de ma vie devant toute la classe."

La jeune femme évoque également des critiques sur son accent, son physique et sa manière de parler. Une autre élève, Lila, décrit une scène glaçante sur le thème du harcèlement de rue : "Lola m’a dit que si j’étais harcelée, c’est parce que j’avais une énergie trop faible. J’étais en état de choc."

Analyse : pratiques pédagogiques ou abus psychologiques ?

Ces méthodes peuvent-elles être justifiées par une volonté artistique ? Certains enseignants en art dramatique défendent des approches immersives, où l’intime est mis au service du jeu. Mais lorsque les élèves expriment de la souffrance, la question de la légitimité de ces pratiques se pose.

Un silence qui interroge

Ni Hélène ni Lola Zidi n’ont encore répondu publiquement aux accusations. Leur communication reste centrée sur leur spectacle commun et leur passion artistique partagée. Un choix qui peut apparaître comme une fuite face aux témoignages, ou comme une volonté de ne pas nourrir le tumulte médiatique.

Ce mutisme, cependant, contraste fortement avec l’intensité des témoignages recueillis. En l’absence de réponse officielle, l’affaire continue de prendre de l’ampleur sur les réseaux sociaux et dans la presse spécialisée.

Un héritage lourd : Claude Zidi, Yves Rénier et le poids des noms

Le nom Zidi est une référence dans le monde du cinéma français. Claude Zidi, père d’Hélène, a réalisé des classiques comme La Totale ! ou Les Ripoux. Yves Rénier, père de Lola, fut une figure emblématique du petit écran avec son rôle dans Commissaire Moulin.

Ce double héritage semble aujourd’hui peser sur la perception publique de l’affaire. Certains estiment que le prestige familial pourrait contribuer à étouffer l’affaire. D’autres y voient au contraire une opportunité pour faire émerger des questions nécessaires sur le pouvoir dans le monde artistique.

Une école d’art en pleine remise en question

Le Laboratoire de l’acteur traverse une crise profonde, où se mêlent dynamiques familiales, enjeux pédagogiques et souffrance des élèves. Cette affaire rappelle que l’enseignement artistique, aussi passionné soit-il, ne doit jamais franchir la ligne rouge du respect et de la sécurité psychologique.

Le théâtre, censé être un espace de liberté et de vérité, peut aussi devenir le lieu d’un enfermement symbolique lorsque les limites sont floues. À Hélène et Lola Zidi de clarifier leur position, de restaurer la confiance et de réinterroger leurs pratiques s’ils souhaitent préserver l’intégrité de leur projet artistique.