Légende vivante du cinéma français, Isabelle Adjani entame une introspection marquée par ses racines familiales. Dans un entretien publié par Libération le 18 juillet 2025, l’actrice revient sur l’histoire intime de son père, sur le silence imposé autour de l’arabe dans leur HLM de Gennevilliers et partage ses réflexions sur son amour du théâtre, notamment à l’occasion du Festival d’Avignon.
Une enfance partagée entre cinéma, théâtre et HLM parisien
Née en 1955 à Paris, Isabelle Adjani grandit à Gennevilliers dans un HLM. Elle débute très jeune au cinéma puis rejoint la Comédie‑Française à seulement 17 ans :contentReference[oaicite:1]{index=1}. Malgré un succès fulgurant à l’écran, elle ne quitte pas pour autant les planches, jouant régulièrement au théâtre tout au long de sa carrière.
Dans un entretien accordé à Libération, elle évoque ses balades théâtrales durant le Festival d’Avignon, où elle se rend incognito aux spectacles, valorisant l’anonymat et le regard authentique du public :contentReference[oaicite:2]{index=2}.
La langue arabe, invitée symbolique du Festival d’Avignon 2025
La 79ᵉ édition du Festival d’Avignon (du 5 au 26 juillet) met la langue arabe à l’honneur, marquant un acte symbolique fort :contentReference[oaicite:3]{index=3}. Déclarée « langue de lumière, de dialogue, de transmission », l’arabe sera célébrée à travers une quinzaine de performances, lectures, musiques et spectacles issus de divers pays comme la Tunisie, le Maroc, le Liban ou la Palestine :contentReference[oaicite:4]{index=4}.
Isabelle Adjani voit là toute la portée émotionnelle de ce choix, lié à son propre héritage familial.
« Il se cachait pour parler arabe » : le silence imposé dans le HLM familial
C’est dans ce contexte qu’Isabelle Adjani raconte l’enfance silencieuse de son père : originaire de Constantine, il se gardait de parler arabe au téléphone au sein de leur appartement modeste par crainte du regard de la société. Pour lui, l’intégration signifiait abandonner toute pratique linguistique différente du français qu’il considérait comme seule légitime.
« Mon père faisait partie de cette génération qui estimait que l’avenir de ses enfants dépendait de leur assimilation au mode de vie français. À la maison, seule la version francisée de l’Algérie française avait droit de cité », confie-t-elle :contentReference[oaicite:5]{index=5}.
L'héritage d’un silence imposé et ses répercussions
Ce silence ne concernait pas seulement la langue, mais toute dimension culturelle jugée incompatible avec l’intégration. Adjani évoque un héritage complexe, entre fierté familiale et distance imposée vis-à-vis de ses origines.
Cette construction identitaire sans langue maternelle partagée a forgé son rapport à la France et à la culture algérienne : un héritage vécu comme une double absence, à la fois tangible et symbolique.
Le théâtre comme refuge, comme langage universel
Face à cette absence de transmission linguistique, Isabelle Adjani trouve dans le théâtre un langage universel capable de transcender les barrières culturelles. Elle confie qu’elle ne supporte pas l’idée de s’ennuyer devant une pièce, tant elle respecte ce qui se joue sur scène.
Elle évoque également un moment marquant lors d’un spectacle d’opéra de Paris, Les sept morts de Maria Callas conçu par Marina Abramović :
« Mon admiration pour Abramović était intacte, jusqu’à ce que son narcissisme envahisse le spectacle. Cette fois, même l’opéra n’a pas su réveiller ma curiosité. »
Cet épisode illustre la capacité de l’actrice à analyser avec acuité la tension entre l’artiste et son art, sans compromis.
Tableau : portrait synthétique d’Isabelle Adjani et de ses héritages
Élément | Description |
---|---|
Enfance | Gennevilliers, HLM, père kabyle, mère allemande |
Langue familiale | Arabe caché, seules lettres officielles en arabe, usage du français à la maison |
Parcours artistique | Début au cinéma à 14 ans, Comédie‑Française à 17 ans, multiples pièces et films |
Festival d’Avignon 2025 | Présente en spectatrice discrète, langue arabe invitée |
La parole libérée : briser le silence générationnel
En abordant ouvertement ce passé familial, Isabelle Adjani brise un tabou générationnel. Elle rend hommage à ceux qui ont dû sacrifier une part de leur identité pour offrir un avenir plus stable à leurs enfants. Ce geste symbolique s’inscrit pleinement dans le choix du Festival de célébrer la langue arabe et de favoriser le dialogue interculturel.
Un choix puissant pour une identité plurielle
Lorsqu’elle décrit Avignon comme un lieu de pèlerinage du théâtre, Adjani souligne la capacité de l’art à refléter et dépasser les identités individuelles et collectives. Ce foisonnement culturel, où l’arabe est mis à l’honneur, résonne intensément avec son propre parcours.
Au-delà du silence : du spectateur à la prise de parole
Comme spectatrice, Isabelle Adjani aspire à rester dans l’ombre, mais cette confidence prouve qu’elle choisit aussi de dire. Nommer le silence, évoquer une langue non transmise, c’est réactiver une mémoire oubliée, collective et personnelle.
Impact sur les débats contemporains sur l’identité et la langue
Cette prise de parole intervient dans un contexte plus large en France, où les questions d’immigration, de langue et d’intégration font débat. Adjani offre un témoignage nuancé : l’intégration ne passe pas nécessairement par l’effacement des influences familiales, mais peut coexister avec elles.
Un témoignage fort, un chemin vers la réconciliation
À travers son récit intime, Isabelle Adjani ouvre une fenêtre sur la complexité du déracinement, du silence imposé et de l’identité biculturelle. Elle montre que l’absence de transmission linguistique n’efface pas la mémoire, mais qu’il est possible de la célébrer autrement, notamment via l’art et le théâtre.
Son témoignage résonne comme un appel à reconnaître la richesse des héritages silenciés et à célébrer la langue arabe non pas comme un marqueur communautaire, mais comme une langue de savoir, de dialogue et de lumière — à l’image de ce qu’incarne le Festival d’Avignon 2025.
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