Lorsque Judith Godrèche, figure emblématique du mouvement #MeToo en France, s’attèle à l’adaptation d’un texte aussi personnel et puissant que Mémoires de fille d’Annie Ernaux, cela donne naissance à un projet cinématographique à fort potentiel symbolique et artistique. À travers cette œuvre, la réalisatrice et actrice s’engage dans une relecture cinématographique d’un texte majeur, porteur d’une voix féminine singulière et lucide.

Un roman fondamental d’Annie Ernaux à l’écran

Paru en 2016, Mémoires de fille est l’un des récits les plus intimes d’Annie Ernaux. L’autrice, récompensée par le Prix Nobel de Littérature en 2022, y raconte avec franchise et brutalité l’éveil de sa sexualité, ses premières expériences, et les stigmates sociaux et psychologiques qui en découlent. En tant qu’œuvre d’autofiction, le roman mêle confession personnelle et analyse sociale, dans un style minimaliste et incisif propre à Ernaux.

Judith Godrèche, un parcours engagé derrière et devant la caméra

Connue autant pour son talent de comédienne que pour son engagement public, Judith Godrèche s’est récemment distinguée avec sa série diffusée sur Arte, saluée pour sa finesse, son humour noir et son aspect autobiographique. Elle a également marqué les débats en portant plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, devenant une voix puissante du mouvement #MeToo en France.

Avec cette adaptation cinématographique, elle prolonge son combat artistique et politique, en choisissant de faire entendre une parole féminine à travers une œuvre littéraire de référence.

Une actrice césarisée au cœur du projet

Pour incarner le rôle principal dans Mémoires de fille, Judith Godrèche a fait appel à une révélation du cinéma français : Maïwène Barthélémy, lauréate du César de la révélation féminine pour son rôle dans Vingt Dieux. Issue d’un milieu rural, cette jeune actrice, également agricultrice dans la vie, incarne une spontanéité rare et une authenticité touchante à l’écran.

Son profil atypique, conjugué à un talent brut, en fait l’interprète idéale d’un personnage complexe, pris dans les contradictions de la jeunesse, du désir et du regard social. Une alchimie prometteuse pour un film attendu.

Un regard croisé sur la condition féminine

Ce projet permet une résonance entre deux générations de femmes : l’écriture introspective d’Annie Ernaux et le regard engagé de Judith Godrèche. Les thèmes abordés – l’éducation sexuelle, le consentement, la honte, la mémoire – sont d’une actualité brûlante à l’ère post-#MeToo. Le cinéma devient ici un prolongement politique du texte littéraire, une manière d’interpeller le spectateur sur des blessures partagées.

Annie Ernaux, un pilier littéraire du féminisme

L’œuvre d’Annie Ernaux a toujours été profondément engagée. En explorant sa propre vie, elle éclaire celle de nombreuses femmes, avec une lucidité redoutable. La place, Les années, L’événement… autant de titres qui ont contribué à bâtir une œuvre unique, à la frontière entre sociologie, littérature et mémoire collective.

Son style, faussement neutre, tranche dans le paysage littéraire français. En 2022, l’attribution du Prix Nobel a consacré cette voix singulière, témoin inlassable de la condition féminine et des inégalités sociales.

Des adaptations précédentes saluées

L’univers d’Annie Ernaux a déjà fait l’objet de plusieurs transpositions cinématographiques. Le film L’Événement, adapté de son roman éponyme par Audrey Diwan, a reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2021, confirmant la puissance émotionnelle et politique de son œuvre lorsqu’elle passe à l’écran.

Avec Judith Godrèche à la réalisation, l’attente est immense pour cette nouvelle interprétation. Sa sensibilité artistique, sa capacité à insuffler une forme de distance ironique et de vérité crue sont autant d’atouts pour réussir cette entreprise ambitieuse.

Une œuvre miroir pour les femmes d’aujourd’hui

Mémoires de fille n’est pas qu’un roman du passé. C’est un miroir tendu à des générations entières de femmes confrontées aux mêmes injonctions, aux mêmes silences, aux mêmes traumatismes. Judith Godrèche, en l’adaptant aujourd’hui, choisit de raviver cette mémoire, d’y apposer son regard, et d’ouvrir un espace de parole à l’écran.

À l’heure où les figures féminines reprennent la parole dans le cinéma, la littérature et les médias, ce projet apparaît comme essentiel, militant, mais aussi profondément artistique.

Une alliance littéraire et cinématographique puissante

Avec Mémoires de fille, Judith Godrèche ne se contente pas de signer un film. Elle prolonge une histoire, relie deux époques, et permet à la parole d’Annie Ernaux de toucher un nouveau public. L’adaptation promet de mêler puissance narrative, performance d’actrice et engagement sociétal.

En attendant sa sortie, une chose est sûre : il est grand temps de relire Annie Ernaux… et de s’apprêter à la découvrir autrement.