Le Laboratoire de l'acteur dans la tourmente : accusations de violences psychologiques et sexistes

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Alors que le Festival d’Avignon bat son plein et célèbre la création artistique sous toutes ses formes, une enquête accablante vient ternir le prestige du monde du théâtre. Le journal Libération révèle l’envers du décor d’un lieu emblématique de la formation d’acteurs : le Laboratoire de l’acteur, une école parisienne dirigée par Hélène Zidi, fille du célèbre réalisateur Claude Zidi.

Derrière les projecteurs et les belles carrières, se cacheraient des pratiques éducatives controversées, dénoncées par d’anciennes élèves. Entre propos sexistes, favoritisme flagrant, et méthodes pédagogiques humiliantes, les révélations sont glaçantes.

 

Une école réputée pour ses anciens élèves… mais critiquée pour ses pratiques internes

 

Fondée en 2001, le Laboratoire de l’acteur affiche une solide réputation. L’établissement a vu passer dans ses rangs des figures montantes du cinéma français telles que Tahar Rahim, Raphaël Quenard ou encore Alexis Manenti. Sur son site officiel, l’école met en avant ses "marraines" prestigieuses comme Doria Tillier et Aïssa Maïga.

Mais derrière cette image reluisante, des témoignages d’anciennes élèves jettent une lumière crue sur des pratiques qui relèvent davantage de l’intimidation que de la pédagogie. Une vingtaine de comédiennes dénoncent des propos rabaissants, un climat anxiogène et un système sexiste profondément enraciné dans les rouages de l’école.

 

Le témoignage bouleversant d'Ambre : humiliation publique et traumatisme ravivé

 

Ambre, ancienne élève, témoigne d’un épisode particulièrement choquant survenu en novembre 2020. Ce jour-là, elle se retrouve seule sur scène devant ses camarades lorsque la directrice Hélène Zidi lui lance : « T’es complètement crispée, coincée. Tu veux rester figurante toute ta vie ? »

Puis vient l’injonction glaçante : elle doit improviser une scène dans laquelle elle incarne une mère prostituée, et mimer une fellation. Un exercice qui réveille chez elle des traumatismes profonds. Ambre confie : « J’étais sidérée. C’est difficile à expliquer, surtout avec ce que j’ai vécu. »

La scène se conclut sur une remarque brutale de la directrice : « Rien à faire, elle a des blocages. C’est pourtant pas si difficile de mimer une fellation. »

Ce moment de violence psychologique ne serait pas isolé. Selon les témoignages croisés, ce type de pratique serait monnaie courante au sein de l’établissement.

 

Des élèves privilégiés… et d’autres brisés

 

Une constante ressort des récits recueillis : le favoritisme très marqué envers certains élèves masculins. Lise, ancienne étudiante de la promotion 2016, évoque les "chouchous" de la directrice : « Ce sont souvent des mecs très virils, style Apollon. Ils prennent vite le melon et se sentent supérieurs à nous. »

D’autres, à l’image d’Olga, ont souffert de remarques blessantes sur leur apparence physique. Elle se souvient d’un commentaire d’Hélène Zidi lors d’un stage : « Il faut que tu te ressaisisses. Tu ne veux pas jouer des rôles de grosses, déjà que tu as un certain profil. »

Depuis, Olga lutte contre des troubles du comportement alimentaire et une dysmorphophobie sévère. Une conséquence directe de ces remarques, qui la poursuivent encore aujourd’hui.

 

Tableau récapitulatif des dérives dénoncées

 

Type de dérive Exemples rapportés
Violences psychologiques Humiliation en public, dévalorisation
Propos sexistes Réflexions sur la sexualité ou le physique des élèves
Favoritisme Préférences affichées pour les hommes considérés comme « virils »
Pression esthétique Critiques sur le poids, incitation à maigrir

 

Un secteur artistique vulnérable aux abus

 

Le cas du Laboratoire de l’acteur n’est malheureusement pas isolé. Selon une Commission d’enquête parlementaire menée sous l’impulsion de Sandrine Rousseau, le secteur culturel est particulièrement exposé aux violences sexistes. Avec plus de 120 heures d’auditions et 86 recommandations, le rapport souligne la persistance des abus de pouvoir, les règles implicites et les zones grises entre l’exigence artistique et la manipulation mentale.

Ce terrain instable devient propice aux dérives lorsque l’autorité est exercée sans contre-pouvoirs, dans des contextes émotionnels forts comme ceux du théâtre ou du cinéma.

 

Les marraines et figures emblématiques restent silencieuses

 

Malgré les sollicitations de la presse, aucune des personnalités associées au Laboratoire de l’acteur n’a souhaité commenter les faits. Ni Doria Tillier, ni Aïssa Maïga, ni aucun ancien élève célèbre ne s’est exprimé. Un silence qui interroge, et qui contribue à maintenir une forme d’impunité.

Cette absence de prise de position alimente la frustration de celles qui ont souffert, et renforce l’isolement des victimes dans ce type de structures où l’image publique prime sur la vérité vécue en coulisses.

 

Des femmes marquées à vie

 

Pour beaucoup d’anciennes élèves, l’expérience au sein du Laboratoire de l’acteur a laissé des traces profondes, voire des blessures durables. Certaines évoquent des années de reconstruction psychologique, d’autres des renoncements à leur carrière artistique.

Ambre conclut son témoignage avec ces mots : « On entre là-bas avec des rêves. On en ressort avec des doutes, des blocages, et parfois même un rejet total de ce métier qu’on aimait. »

 

Le théâtre à l’épreuve de ses abus systémiques

 

L’affaire du Laboratoire de l’acteur révèle à quel point les institutions artistiques doivent impérativement se remettre en question. Au nom de la liberté de création, trop de comportements inacceptables ont été tolérés. La parole des victimes permet aujourd’hui d’ébranler ce silence.

Si le monde du théâtre veut rester un espace de liberté et de vérité, il doit aussi devenir un lieu de respect et de sécurité pour celles et ceux qui s’y forment. Il est temps que les projecteurs se braquent non plus sur la seule scène, mais aussi sur les coulisses.

Rédacteur
Julien
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Passionné d'actualité musicale et télévisuelle. Je décrypte les tendances musicales et les grands temps forts de la télévision française.

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