Marthe Mercadier, figure emblématique du théâtre français et du divertissement télévisé, s’est éteinte le 15 septembre 2021 à l’âge de 92 ans, dans un anonymat glaçant. Malgré une carrière artistique riche et engagée, son départ a été marqué par l’indifférence générale, la précarité, et une absence d’hommage à la hauteur de son talent. Retour sur le destin bouleversant d’une comédienne dont la lumière s’est éteinte loin des projecteurs.
Une carrière prolifique marquée par l’amour du public
Durant plus de six décennies, Marthe Mercadier a fait vibrer les scènes de théâtre, les plateaux de télévision et les écrans de cinéma. Reconnue pour son énergie débordante, son humour et son charisme, elle s’est imposée comme une figure majeure du théâtre de boulevard.
Parmi ses plus grands succès, on retient son rôle dans La Présidente – pièce pour laquelle elle remporta un Molière –, ainsi que ses participations remarquées à des programmes cultes tels que Au théâtre ce soir, Les Saintes chéries, et même Danse avec les stars en 2011, à l’âge vénérable de 82 ans.
Elle a également présenté un one-woman show en 2009, prouvant ainsi une capacité rare à se réinventer, même à un âge avancé.
Une reconnaissance institutionnelle… sans suite
Décorée chevalier de la Légion d’honneur, officier des Arts et des Lettres et membre de l'Académie Alphonse Allais, Marthe Mercadier avait tout pour entrer au panthéon des grandes figures culturelles françaises. Pourtant, aucune de ces distinctions n’a semblé peser au moment de son décès, reléguée dans l’indifférence, sans hommage officiel ni présence médiatique forte.
Une fin de vie minée par la maladie et la précarité
Atteinte de la maladie d’Alzheimer, l’actrice a vu sa santé se dégrader progressivement. Parallèlement, sa situation financière s’est effondrée, l’obligeant à vivre dans des conditions précaires. Sa fille, Véronique Néry, raconte avec émotion la descente aux enfers que sa mère a traversée :
« Ils ont même saisi sa retraite. Elle n’avait plus rien. Elle ne pouvait ni continuer son engagement humanitaire ni subvenir à ses besoins élémentaires. »
Cette fin de vie déchirante, dans la solitude et la précarité, reste une blessure vive pour sa fille unique, qui témoigne d’un abandon cruel par le monde artistique et les institutions.
Un engagement humanitaire passé sous silence
Marthe Mercadier n’était pas seulement une actrice talentueuse. Elle était aussi une femme profondément engagée. Par l’intermédiaire de son association IFPPF (Institut Français pour la Prévention et la Protection de la Femme), elle a mené un travail humanitaire conséquent, notamment en envoyant plus de 1750 tonnes de matériel médical à travers 37 pays en développement.
Pays bénéficiaires | Volume de matériel envoyé | Type d’aide |
---|---|---|
Haïti | 120 tonnes | Matériel hospitalier |
Burkina Faso | 200 tonnes | Équipements médicaux |
Vietnam | 95 tonnes | Fournitures chirurgicales |
Malgré ces efforts, son implication fut éclipsée par une affaire judiciaire : celle du Carrefour du développement, scandale politico-humanitaire qui l’a conduite à comparaître durant six ans devant la justice. Finalement blanchie, elle n’en est pas sortie indemne – ni moralement, ni financièrement.
Des obsèques dans l’intimité, loin des projecteurs
Le plus douloureux, pour sa fille, reste le silence qui a entouré les funérailles de Marthe Mercadier. Loin des hommages publics ou des grandes cérémonies que l’on pourrait attendre pour une artiste de son envergure, les obsèques se sont déroulées dans la plus stricte intimité.
« Ce n’était pas l’église de la Madeleine, personne n’est venu », déplore Véronique Néry. « Je n’ai pas pu lui offrir l’enterrement qu’elle méritait. »
Seuls quelques proches fidèles étaient présents, parmi lesquels les acteurs Fiona et Daniel Gélin, Chantal Ladesou, Alain Morel ou encore le journaliste Cyril Viguier. Une maigre consolation pour Véronique, qui aurait espéré davantage de considération pour sa mère.
Une voix qui continue de résonner malgré l’oubli
À travers le témoignage de sa fille, la voix de Marthe Mercadier continue de vibrer. Non seulement celle d’une artiste, mais aussi celle d’une femme engagée, courageuse et profondément humaine. Son parcours, à la fois brillant et tragique, reflète la manière dont la société peut délaisser ses figures emblématiques une fois sorties de la lumière médiatique.
Le récit de sa fin de vie soulève des questions fondamentales sur la place des artistes âgés dans notre société, sur la précarité des carrières culturelles, et sur le devoir de mémoire que nous devons aux personnalités qui ont façonné notre patrimoine artistique.
Une mémoire à raviver
Marthe Mercadier n’est pas simplement une actrice du passé. Elle est le miroir d’une époque où le théâtre, la télévision et le cinéma savaient rassembler et divertir. Son oubli n’est pas une fatalité. Il appelle au contraire à une réhabilitation, une reconnaissance posthume de sa contribution à la culture française.
À l’heure où les hommages sont souvent spectaculaires pour des figures parfois plus médiatiques que véritablement engagées, l’histoire de Marthe Mercadier rappelle que certaines voix méritent d’être entendues, même après leur disparition. Il est temps de lui rendre justice.
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