Le débat autour de la future réforme de l’audiovisuel public s’intensifie. Alors que la ministre de la Culture, Rachida Dati, s’apprête à défendre le projet de création d’une holding baptisée France Médias dès le 30 juin 2025, le Syndicat national des journalistes (SNJ) de Radio France exprime un profond désaccord vis-à-vis du rapport fondateur signé par Laurence Bloch, ancienne dirigeante de France Inter.
Une réforme sous tension : la holding France Médias en question
Le projet vise à regrouper France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) au sein d’une entité unique à compter du 1er janvier 2026. Ce schéma organisationnel est issu d’un rapport commandé par le ministère de la Culture à Laurence Bloch. Le document propose une restructuration en quatre plateformes : France.tv, Radio France, Franceinfo et ICI (information de proximité).
Le SNJ de Radio France vent debout contre une logique jugée destructrice
Dans un communiqué intitulé « Quand Laurence Bloch se renie et nous trahit », publié le 16 juin 2025, le SNJ exprime sa consternation. Il y dénonce une stratégie de recentrage vers le numérique, qui, selon le syndicat, se ferait au détriment de la radio linéaire et du cœur de mission du service public. Il va jusqu’à interroger : « Ce rapport est-il l’œuvre de Laurence Bloch ou celle d’un chatbot répondant aux désirs ministériels ? »
Un basculement vers le tout-numérique critiqué
Le SNJ déplore que l’approche préconisée repose sur la production de contenus adaptés aux plateformes numériques, au même titre que les médias privés. Selon le syndicat, cela contredit la vocation du service public d’offrir une information indépendante et de qualité, et expose Radio France à une dilution de son identité au sein d’un conglomérat audiovisuel homogénéisé.
Élément proposé | Réaction du SNJ |
---|---|
Structuration en 4 plateformes (France.tv, Radio France, Franceinfo, ICI) | Risque de dilution de Radio France, perte d'identité |
Renforcement de la production numérique | Sacrifice de la radio linéaire et du journalisme d’antenne |
Réallocation des ressources vers les réseaux sociaux | Dépendance aux algorithmes et logique de buzz |
Gouvernance centralisée | Danger pour l’indépendance éditoriale |
Un modèle de gouvernance jugé inquiétant
Autre sujet de discorde : la future gouvernance. Le rapport évoque la nomination d’un directeur aux pouvoirs élargis, qui superviserait les arbitrages financiers et éditoriaux. Le SNJ redoute qu’une telle configuration concentre trop de pouvoir décisionnaire, au détriment de la diversité éditoriale. Il évoque même un retour à un modèle vertical de type ORTF, exposé aux pressions politiques.
Laurence Bloch défend une modernisation nécessaire
Dans une interview accordée à Télérama, Laurence Bloch réagit à ces critiques. Elle affirme : « Il ne s’agit pas de supprimer le linéaire, mais de rééquilibrer les moyens pour renforcer la présence numérique de l’audiovisuel public. » Elle plaide pour une adaptation aux usages actuels, sans pour autant abandonner les valeurs du service public.
Rachida Dati appelle au dépassement du statu quo
Interrogée par Le Monde, la ministre de la Culture rejette les accusations de dérive autoritaire. Elle précise que le PDG de la future holding sera nommé par une instance indépendante, similaire à l’actuelle procédure. Elle insiste sur la nécessité d’une réforme face à la concurrence des plateformes numériques et à l’essor de l’intelligence artificielle.
Un projet relancé après plusieurs tentatives avortées
Le projet de réforme avait été suspendu à plusieurs reprises en 2024 et au printemps 2025. La ministre présente aujourd’hui une version consolidée, censée répondre aux enjeux contemporains. Le débat parlementaire s’annonce houleux, tant les positions entre partisans de la transformation numérique et défenseurs du modèle traditionnel restent irréconciliables.
Entre vision stratégique et défense du pluralisme
Le rapport Bloch, tout comme le projet France Médias, cristallise les tensions entre volonté de modernisation et crainte d’un affaiblissement de l’indépendance des médias publics. Le débat va bien au-delà d’un simple réaménagement administratif : il pose la question fondamentale du rôle de l’audiovisuel public à l’ère numérique. La bataille s’annonce décisive pour l’avenir de la radio, du journalisme et de la démocratie médiatique en France.