Enjoy ! Affaire Bertrand Cantat : regrets d’un juge, révélations dans "C l’hebdo" et l’indignation d’une société encore marquée

Affaire Bertrand Cantat : regrets d’un juge, révélations dans "C l’hebdo" et l’indignation d’une société encore marquée

Publié le : 15-04-2025 11:25 | Catégorie : Stars

Artiste : Bertrand Cantat

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Un débat ravivé par le documentaire Netflix "De rockeur à tueur : le cas Cantat"

Le nom de Bertrand Cantat, ex-leader du groupe Noir Désir, est à nouveau au cœur de l’actualité. Et pour cause : la sortie du documentaire Netflix "De rockeur à tueur : le cas Cantat" a réveillé des blessures profondes, remettant en lumière un drame qui hante encore la société française. Plus de 20 ans après la mort de Marie Trintignant, tuée sous les coups du chanteur, et près de 15 ans après la mort de sa compagne Krisztina Rády, les questionnements se multiplient.

Ce samedi, l’émission "C l’hebdo" sur France 5 a consacré une large partie de son antenne à cette affaire brûlante. Autour d’Aurélie Casse, plusieurs invités sont revenus sur l’histoire tragique et ses conséquences judiciaires, sociales et médiatiques. Parmi eux, Philippe Laflaquière, l’ancien juge d’application des peines qui a permis la libération anticipée de Cantat en 2007, a exprimé de profonds regrets, évoquant un aveuglement sur la personnalité réelle du chanteur.

 

Un juge revient sur sa décision : "Je me suis trompé"

Le témoignage de Philippe Laflaquière est bouleversant. À l’époque, sa décision d’accorder la liberté conditionnelle à Bertrand Cantat reposait sur un profil psychologique perçu comme stable. L’ancien juge se souvient d’un homme calme, serviable, qui donnait même des cours de guitare à ses codétenus. Mais aujourd’hui, avec le recul et les révélations du documentaire, il admet : "Je me suis trompé, que l’on s’est trompé".

Selon lui, l’expertise psychiatrique de l’époque évoquait une fragilité narcissique, une immaturité affective, mais aucun trouble psychopathique. À l’époque, rien ne laissait présager que la spirale de violence n’était pas terminée. Pourtant, seulement quelques mois avant la fin de sa période de liberté conditionnelle, Krisztina Rády se suicide dans des circonstances troublantes. Une tragédie qui aurait pu changer le cours des choses, selon Laflaquière : "Si elle avait porté plainte, il serait probablement reparti en prison."

 

Krisztina Rády : une victime oubliée ?

Le documentaire et les interventions dans "C l’hebdo" remettent en lumière le sort tragique de Krisztina Rády, longtemps éclipsée dans les débats publics. Compagne de Cantat après la mort de Marie Trintignant, mère de ses enfants, elle se donne la mort en janvier 2010, alors que Cantat est encore sous le régime de la liberté conditionnelle.

Selon Michelle Fines, journaliste d’investigation présente sur le plateau, la conditionnelle de Cantat se terminait en juillet 2010. Le suicide de Krisztina Rády, survenu six mois avant, aurait pu – s’il avait été relié à des violences conjugales – entraîner un retour en détention pour le chanteur. Le juge confirme qu’aucun signalement de violence n’était alors officiellement documenté, mais admet aujourd’hui que des signes d’emprise auraient dû être perçus.

 

Un contrat moral rompu : retour sur scène et polémique

Autre point soulevé par l’ex-magistrat : le contrat moral passé avec Cantat. Ce contrat, bien qu’informel, incluait "discrétion, décence, droit à l’oubli", autant d’engagements que Cantat a bafoués, selon Laflaquière. Lorsque le chanteur décide de remonter sur scène, notamment avec la publication d’une Une controversée des Inrockuptibles, l’ancien juge parle d’une "manifestation d’indécence".

Il précise qu’il ne pouvait pas légalement empêcher Cantat de remonter sur scène, le crime n’étant pas en lien direct avec son activité artistique. Toutefois, moralement, cela représente pour lui une faute grave : "À partir du moment où il décide de refaire de la scène, on peut estimer qu’il n’y a plus de décence."

 

Omerta, protection et silence coupable : le rôle de l’entourage professionnel

Sur le plateau, Laurent Valdiguié, journaliste à Marianne, dénonce une véritable omerta autour de Bertrand Cantat, en particulier à Bordeaux, fief historique de Noir Désir. Selon lui, les proches du chanteur et son entourage professionnel ont tout fait pour protéger l’image du groupe, et par extension celle de Cantat, dans l’espoir d’une possible reformation du groupe.

"Tout le monde a menti", affirme-t-il. Les violences envers Marie Trintignant ne seraient que la partie émergée d’un iceberg de comportements violents passés sous silence. Des années de déni et de protection médiatique qui ont retardé la prise de conscience collective autour de la dangerosité du chanteur.

 

L’indignation de Lio et la mémoire de Marie Trintignant

Parmi les voix qui s’élèvent, celle de Lio est particulièrement marquante. Proche de Marie Trintignant, elle a récemment pris la parole pour honorer la mémoire de son amie et dénoncer la réhabilitation médiatique de son meurtrier. Son témoignage, salué par de nombreuses personnalités, participe à une prise de conscience collective sur la manière dont la société traite les femmes victimes de violences conjugales… et les hommes qui en sont responsables.

Lio n’est pas la seule à dénoncer les tentatives de réhabilitation. Une radio nationale a annoncé le boycott total de la diffusion des titres de Cantat. Sur les réseaux sociaux, les appels au boycott se multiplient, avec une prise de position claire : "Pas de pardon pour les féminicides".

 

Une affaire emblématique des violences faites aux femmes

L’affaire Cantat n’est pas qu’un simple fait divers. Elle cristallise des tensions sociétales majeures autour du traitement des violences conjugales, de la justice, de la mémoire des victimes et de la responsabilité des institutions. Ce qui choque aujourd’hui, c’est l’ampleur du silence, des protections et des opportunités accordées à un homme reconnu coupable de meurtre, sans véritable remise en question publique de ses actes.

La sortie du documentaire Netflix agit comme un détonateur. Il révèle des documents inédits, donne la parole à des proches de Krisztina Rády et à des journalistes d’investigation, permettant de réévaluer le traitement judiciaire et médiatique de l’affaire.

 

Et maintenant ? Une société face à ses contradictions

Aujourd’hui, l’affaire Bertrand Cantat est à la croisée des chemins entre justice, mémoire, et responsabilité collective. Le débat dépasse largement la figure du chanteur. Il interroge nos institutions, notre capacité à protéger les femmes victimes de violences, et le rôle des médias et de l’industrie culturelle dans la réhabilitation ou la dénonciation des agresseurs.

Faut-il interdire à un homme condamné d’exercer sa profession artistique ? Peut-on séparer l’homme de l’artiste ? Jusqu’où va le droit à la réinsertion ? Autant de questions éthiques, juridiques et morales qui restent en suspens.

Ce qui est certain, c’est que la société ne veut plus de silence. Les prises de parole comme celles de Lio, de Philippe Laflaquière ou de Michelle Fines, les initiatives citoyennes et les productions audiovisuelles comme le documentaire de Netflix, montrent une volonté claire : celle de briser les tabous et d’écouter enfin les victimes.

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