Enjoy ! Bertrand Cantat : après le documentaire Netflix, un boycott radio acté pour Noir Désir

Bertrand Cantat : après le documentaire Netflix, un boycott radio acté pour Noir Désir

Publié le : 15-04-2025 21:00 | Catégorie : Stars

Artiste : Bertrand Cantat

Image de l'article

Depuis la diffusion du documentaire "De rockstar à tueur, le cas Cantat" sur Netflix, un vent de remises en question souffle sur le paysage médiatique français. Le film, qui revient en profondeur sur le féminicide de Marie Trintignant, a ravivé une vive émotion dans l’opinion publique. Si Bertrand Cantat avait, depuis sa sortie de prison en 2007, tenté de reprendre une carrière musicale, le débat sur la séparation entre l’homme et l’artiste semble aujourd’hui basculer vers une position plus tranchée. Une décision forte vient d’être prise par le Groupe 1981, propriétaire de plusieurs radios françaises majeures : les titres de Bertrand Cantat et du groupe Noir Désir ne seront plus diffusés.

 

Un choix éditorial avant tout : « ni idéologique, ni militant »

Le Groupe 1981, qui regroupe des stations aussi populaires que OUÏ FMLatinaAdoVoltageWit FMForum ou encore BlackBox, a réaffirmé son choix d’exclure les chansons de Bertrand Cantat de ses ondes. Une décision qui, selon le communiqué officiel, ne date pas d’hier. « Cette consigne est appliquée depuis plus d’un an et demi », précise le groupe, insistant sur le fait qu’elle ne découle pas directement de la sortie du documentaire, mais qu’elle s’inscrit dans une politique éditoriale et éthique globale.

« Le Groupe a cessé toute diffusion de Bertrand Cantat et du groupe Noir Désir dès 2023, bien avant la sortie de ce documentaire », peut-on lire dans la déclaration transmise à la presse.

L’objectif affiché est clair : ne pas valoriser les artistes condamnés pour des faits graves, notamment de violences physiques, sexuelles ou psychologiques. La démarche s’inscrit donc dans une volonté de cohérence et de respect vis-à-vis des victimes, comme l’indique la directrice générale adjointe du groupe, Olivia Valli :

« Ce que nous diffusons chaque jour dit quelque chose de nous. Nous ne pouvons pas séparer l'artiste de ses actes lorsque ceux-ci relèvent de faits aussi graves. »

 

Un débat relancé par Netflix : séparer l’œuvre de l’homme ?

Le documentaire "De rockstar à tueur, le cas Cantat" soulève une question fondamentale : peut-on encore écouter des titres comme "Le vent nous portera" en faisant abstraction de l’histoire personnelle et judiciaire de son interprète ? Pour les radios du Groupe 1981, la réponse est non. Leur ligne éditoriale se veut responsable et engagée, mais sans tomber dans l’extrémisme. Ils précisent à ce sujet :

« Il ne s’agit pas d’interdire, mais de choisir ce qui doit être valorisé. »

La formulation est importante : il ne s'agit pas de censure, selon le groupe, mais de priorités éditoriales conscientes. C’est justement ce que le documentaire met en lumière : l’ampleur du traitement différencié réservé à Bertrand Cantat, bénéficiant encore aujourd’hui d’un certain soutien dans les médias ou auprès d’une partie du public, alors même que d’autres voix, comme celle de Lio, ont été mises au silence pour avoir dénoncé.

Lio : la vraie victime de la censure ?

Un des moments forts du documentaire est le témoignage bouleversant de la chanteuse Lio, qui évoque la mise au placard de sa carrière après avoir osé s’exprimer contre Bertrand Cantat. Pour le Groupe 1981, c’est elle la véritable victime de la censure, dans un système où les victimes et leurs soutiens sont souvent réduits au silence au profit d’une « sacralisation » de l’artiste.

« À l’inverse, c’est bien Lio, écartée de nombreuses antennes pour avoir témoigné, qui a fait l’expérience concrète de la censure silencieuse », rappelle le communiqué du groupe.

Cet exemple souligne les dysfonctionnements structurels du monde médiatique et artistique, où la notoriété peut parfois servir de bouclier contre la justice morale.

 

Une politique appliquée à d'autres artistes condamnés

Le cas Bertrand Cantat n’est pas un cas isolé. Le Groupe 1981 explique que sa politique s’applique de manière globaleà tout artiste condamné pour des actes graves. L’exemple de R. Kelly est notamment cité. Le chanteur américain, condamné à 30 ans de réclusion pour crimes sexuels, fait également l’objet d’un boycott musical complet sur les ondes du groupe.

« Ce choix s’applique sans distinction de genre, de notoriété ou d’époque », insiste le communiqué. « Dès lors que des faits d’une particulière gravité ont été établis par la justice, nous n’avons pas à les ignorer. »

Autrement dit, aucune indulgence ne sera accordée, même pour des œuvres considérées comme majeures dans l’histoire de la musique.

 

L'impact d’un tel boycott dans l’univers musical

Concrètement, quelles conséquences ce type de décision peut-il avoir sur la carrière d’un artiste ? À l’ère du streaming et des plateformes, certains pourraient penser que le boycott radio est obsolète. Pourtant, les radios conservent un poids considérable dans la diffusion de la musique populaire, notamment auprès d’un public large et moins technophile.

La disparition des titres de Noir Désir et de Cantat sur autant de fréquences nationales a une valeur symbolique forte. Elle marque une prise de position claire de l’industrie musicale sur la question de l’impunité et de la responsabilité. C’est un signal lancé à toute la filière artistique : le succès n’excuse pas tout.

 

Un passé judiciaire qui continue d’alimenter les polémiques

Pour rappel, Bertrand Cantat a été condamné en 2003 à 8 ans de prison pour avoir provoqué la mort de Marie Trintignant à Vilnius, en Lituanie. Il a été libéré conditionnellement en 2007, après avoir purgé un peu plus de la moitié de sa peine. Depuis, malgré plusieurs tentatives de relancer sa carrière, les polémiques ne l’ont jamais quitté.

Le juge ayant accordé sa libération conditionnelle a récemment exprimé des regrets publics dans l’émission C l’hebdo :

« Avec le recul, je me dis que je me suis trompé, que l’on s’est trompé. »

Un aveu qui vient confirmer le malaise persistant autour de la réintégration de Cantat dans le paysage musical.

 

Peut-on encore écouter Noir Désir aujourd’hui ?

La question divise. Certains fans restent attachés à l’œuvre du groupe, en dissociant l’homme de ses chansons. D’autres estiment que continuer à écouter Bertrand Cantat revient à ignorer la mémoire de Marie Trintignant et des victimes de violences conjugales en général.

Le Groupe 1981 a tranché : les faits sont trop graves pour être ignorés. Pour eux, diffuser une œuvre artistique n’est pas un acte neutre. C’est un choix de société.

« Nous ne jugeons pas à la place de la justice, mais nous refusons de participer à l’effacement. Ce choix n’est pas radical. Il est simplement responsable », conclut Olivia Valli.

 


Conclusion : un tournant dans la gestion éthique de la musique ?

Le cas Bertrand Cantat pourrait bien marquer un tournant dans la manière dont l'industrie musicale française traite la question de la responsabilité des artistes. En décidant de ne plus diffuser ses œuvres, le Groupe 1981 impose un cadre clair qui pourrait inspirer d’autres acteurs du secteur. Alors que la société continue de réfléchir à la place à accorder aux personnalités condamnées, cette prise de position forte contribue à réévaluer les priorités : la mémoire des victimes et le respect des valeurs humaines doivent primer sur la puissance de l’art.

Et vous, pensez-vous qu’on peut encore écouter Noir Désir aujourd’hui ?

Articles similaires