Le 27 juin 2025, Alma Dufour, députée La France insoumise (LFI) de Seine-Maritime, participe à une interview pour « Europe 1 soir week-end ». En raison d'un empêchement à l'heure du direct, l’entretien est pré-enregistré à 18h, avec l'engagement explicite de diffusion « dans les conditions du direct », c’est-à-dire sans montage ni altération.

Or, à la surprise de la députée, plusieurs minutes de l’entretien auraient été supprimées dans la version finalement diffusée à l’antenne et réutilisée ultérieurement sur CNews. Une pratique qui a immédiatement suscité l’indignation de l’élue, qui évoque un cas de censure éditoriale.

Des déclarations ciblées sur Bernard Arnault et Rodolphe Saadé passées sous silence

Les propos manquants concernaient la taxation des grandes fortunes. D’après Alma Dufour, elle y citait nommément Bernard Arnault, président du groupe LVMH, et Rodolphe Saadé, PDG de CMA CGM. Elle évoquait notamment que Bernard Arnault « paie moins d’impôts proportionnellement qu’un ouvrier ». Ces déclarations n’ont jamais été retransmises.

Sur les réseaux sociaux, la députée s’interroge : Pourquoi avoir coupé ce passage ? Y a-t-il des sujets interdits chez Bolloré ? Elle ajoute avoir volontairement évité toute mention de Vincent Bolloré pour éviter un possible biais rédactionnel, sans succès.

Réaction officielle et saisie de l'Arcom

Le 4 juillet 2025, Alma Dufour publie un message sur X (ex-Twitter) pour dénoncer la situation et annonce saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) afin de faire la lumière sur cette possible atteinte au pluralisme de l'information.

Elle rappelle que cette interview a été diffusée à trois reprises sur CNews, en pleine nuit, dans le cadre de la loi sur le pluralisme des temps de parole.

Tableau récapitulatif des points de tension médiatique

Des pratiques médiatiques controversées sous Bolloré

Depuis l’acquisition d’Europe 1 par le groupe Bolloré en 2023, les accusations de dérives éditoriales se multiplient. StreetPress révélait récemment que la rédaction web de la station aurait reçu consigne de ne plus utiliser les dépêches de l’AFP, pourtant reconnues pour leur fiabilité dans la profession.

Des sujets comme l’affaire Betharram seraient désormais proscrits, tandis que les rédacteurs ne seraient plus autorisés à rédiger leurs propres articles, même dans les rubriques culture ou people. Une situation jugée alarmante par plusieurs salariés anonymes interrogés par les médias indépendants.

Pluralisme médiatique et enjeux de régulation

Le cas Dufour soulève la question plus large du respect du pluralisme et de la liberté d’expression dans les médias détenus par de grands groupes privés. La mission de l’Arcom sera donc cruciale pour déterminer s’il y a eu manipulation éditoriale volontaire et non-respect des engagements pris envers l’élue.

Dans un contexte de défiance croissante envers les médias, la transparence des pratiques journalistiques est une exigence démocratique. Le traitement réservé à cette interview pourrait bien faire jurisprudence dans les relations entre politiques et médias dominants.

Une affaire symptomatique d’une crise de confiance

Alma Dufour n’est pas la première personnalité politique à dénoncer une censure médiatique, mais la précision de son accusation, étayée par une séquence identifiable et le recours officiel à l’Arcom, confère à cette affaire une portée symbolique importante.

Entre accusations de partialité, concentration des médias et soupçons de conflits d’intérêts, le débat sur l’indépendance journalistique est relancé de plus belle. L’issue de cette affaire pourrait bien en dire long sur l’état de la démocratie médiatique française en 2025.