Le 16 septembre 2015, la France perdait l’un de ses plus grands poètes de la chanson, Guy Béart. Décédé à 85 ans dans sa maison de Garches, l’artiste laissait derrière lui une œuvre monumentale, saluée par le monde artistique comme politique. L’Élysée publiait alors un communiqué affirmant que « ses refrains sont sur les lèvres des Français de toutes générations », rendant hommage à « un ingénieur des Ponts [ayant] voulu construire, avec ses chansons, un monde plein de fantaisie et de poésie ».

Le président de la République d'alors, François Hollande, salua « une œuvre immense », adressant ses condoléances à ses filles, Eva et Emmanuelle Béart. Le Premier ministre Manuel Valls et la ministre de la Culture Fleur Pellerin rejoignaient ce concert d’hommages, soulignant l’indépendance artistique de Béart, insensible aux tendances et farouche défenseur de ses convictions.

Des artistes touchés par une œuvre intemporelle

Dans le monde de la musique, l’émotion était palpable. Alain Souchon se souvenait de mélodies « qui semblaient exister depuis toujours ». Julien Clerc saluait un « mélodiste de génie » et Juliette Gréco, bouleversée, rappelait combien Béart était « un bienfaiteur de l’humanité », capable de traiter tous les sujets avec poésie et profondeur.

Ces témoignages illustrent l’impact d’un artiste qui, loin du conformisme, osait la différence, autant dans ses compositions que dans sa vie privée.

Un père discret et solitaire selon Emmanuelle Béart

Sa fille, Emmanuelle Béart, très affectée par la disparition de son père, mit plusieurs années à s’exprimer publiquement sur leur relation. Dans les colonnes du Parisien, elle décrit un homme replié dans sa « tour d’ivoire », solitaire mais épanoui, heureux avec ses livres, ses chats, ses films et ses souvenirs. « Il refusait tout », dit-elle, sauf ce qui touchait à l’essentiel : l’art, la culture, la liberté d’être soi.

Évoquant son enfance, l’actrice confiait que le comportement de son père, parfois déconcertant, l’a aidée à « résister au formatage ». Un témoignage précieux sur un homme resté fidèle à ses principes jusqu’au bout.

Guy Béart et le naturisme : un art de vivre assumé

Guy Béart ne se contentait pas de chanter la liberté : il la vivait pleinement, notamment à travers le naturisme. Dans une interview accordée à Frédéric Taddéï sur Europe 1 en 2010, il expliquait ne pas être nudiste, mais naturiste. Son parrain, André Durville, avait cofondé l’île du Levant, lieu emblématique du naturisme en France. Béart s’y rendait régulièrement avant que sa notoriété ne l’en empêche.

Ce mode de vie n’était pas un simple caprice excentrique : il incarnait pour lui une connexion essentielle à la nature, à la liberté corporelle, et au rejet du carcan social.

Des invités prestigieux reçus dans le plus simple appareil

Loin des projecteurs, dans son jardin à Garches, Guy Béart poursuivait cette pratique. Il y recevait amis et célébrités autour de sa piscine, souvent dans le plus simple appareil. Comme il le confiait à l’époque : « J’ai souvent reçu du monde à poil. Pas tout le monde ne s’est mis nu, mais certains oui. »

Et pas des moindres. Georges Brassens, Louis Aragon, plus réservés, préféraient rester habillés. Mais Joan Baez, figure emblématique de la chanson folk, se serait, selon Béart, « mise toute nue très naturellement » lors d’une visite dans les années 1970. Une anecdote étonnante qui en dit long sur l’ambiance conviviale et décomplexée des lieux.

Le naturisme en France : une tradition culturelle méconnue

Le choix de Guy Béart s’inscrit dans une tradition bien française du naturisme. Le tableau ci-dessous présente les principaux sites naturistes en France ainsi que leur date de création :

Guy Béart n’était donc pas une exception : il s’inscrivait dans un mouvement culturel valorisant la liberté corporelle, le respect de soi et de la nature.

Un héritage artistique et humain hors du commun

Guy Béart demeure une figure atypique dans le paysage artistique français. Chanteur, poète, ingénieur et penseur libre, il aura marqué des générations par ses chansons mais aussi par son mode de vie audacieux. Naturiste assumé, hôte singulier, il laisse une empreinte indélébile dans le cœur de ceux qui l’ont connu — et de ceux qui continuent de fredonner L’Eau Vive ou Qu’on est bien.

Son goût pour la nature, la vérité et l’indépendance fait de lui une personnalité à part, à la fois poétique et subversive. Un homme à nu, au propre comme au figuré.