Le vendredi 6 juin 2025 a offert un panorama particulièrement serré sur la tranche stratégique dite « pré‑access ». Entre 17 h et 20 h, les chaînes historiques rivalisent pour capter un public en transit — encore au bureau, déjà dans les transports ou fraîchement rentré à la maison. Dans ce créneau charnière, l’enjeu est double : pré‑chauffer la grande audience du prime time et sécuriser des parts de marché lucratives auprès des annonceurs. Pour les chaînes, chaque dixième de point compte ; pour les annonceurs, chaque fraction d’audience se traduit en milliers d’euros.

1. Vue d’ensemble : un vendredi sous haute tension

À la lumière des données provisoires de Médiamétrie – Médiamat, TF1 maintient la pole position avec ses deux feuilletons quotidiens. Toutefois, France 2 résiste grâce à l’indéboulonnable « N’oubliez pas les paroles ! » (Nagui) tandis que France 3 confirme son ancrage régional avec « Ici 19/20 ». M6, de son côté, nourrit un succès régulier avec la compétition culinaire « La meilleure boulangerie de France ». Derrière ce quatuor de tête, France 5, TMC et W9 jouent les trouble‑fêtes avec leurs magazines et docu‑réalités.

2. Les feuilletons de TF1 : locomotives indétrônables

En installant des fictions quotidiennes dès 18 h 30, TF1 a pris un avantage structurel. « Ici tout commence » draine une moyenne de 1,74 million de fidèles (16,9 % de PDA) avec des pics à 21,8 % sur la cible FRDA‑50. Ce socle solide prépare le terrain pour « Demain nous appartient », monté à 1,93 million et 15,2 % de part de marché — illustration d’un lead‑in parfaitement huilé. La stratégie narrative — cliffhangers à 19 h 18, romances permanentes et personnages récurrents — verrouille la fidélité.

3. « N’oubliez pas les paroles » : un leadership fragile

Longtemps leader du pré‑access, le jeu musical de Nagui subit une érosion depuis fin mai : sous la barre symbolique des 2 millions pour le deuxième jour consécutif. Le format reste solide (14,1 % de PDA) mais recule de 0,5 point versus la moyenne 2024‑2025. Les raisons ? Un cycle de maestros moins impressionnant et une concurrence fictionnelle toujours plus feuilletonnante. Pourtant, l’émission conserve une image d’excellence musicale et un tiers de parts de marché sur les 15‑24 ans, preuve que le karaoké séduit encore la Gen Z.

4. France 3 entre journalisme et divertissement

Avec « Questions pour un champion » à 18 h, la chaîne réalise un honorable 12 % de PDA malgré la perte de 150 000 téléspectateurs semaine‑sur‑semaine. À 17 h 30, « Slam » reste stable (13,8 %). Mais la véritable locomotive demeure le « 19/20 » : 1,85 M d’yeux régionaux, soit un point d’ancrage citoyen. Cette complémentarité information‑jeu permet à France 3 d’afficher une courbe ascendante dès 17 h et de limiter la casse sur les cibles commerciales, moins friandes de JT mais attachées au quiz.

5. M6 et la gourmandise des Français : « La meilleure boulangerie » en hausse

Quand la fiction sature, la gourmandise repointe son nez : la compétition de boulangers orchestrée par Bruno Cormerais et Michel Sarran grimpe à 11,8 % de PDA et charme 13,6 % des FRDA‑50. L’émission bénéficie d’un effet terroir et d’un format feel good qui colle parfaitement à l’heure du goûter. La hausse s’explique aussi par un casting plus inclusif (boulangeries bio, labellisées ou urbaines), élargissant la cible.

6. France 5 reste stable, TMC progresse

Malgré la fin de Roland‑Garros, « C à vous » maintient 7 % de PDA (+0,2 pt). L’interview d’actualité, désormais plus magazine que talk, fidélise le public premium. En frontal, « Quotidien Week‑end » sur TMC gagne 87 000 curieux, passant à 4,3 % de PDA. Même si Yann Barthès n’égale pas sa version semaine, la marque reste forte auprès des urbains‑CSP+.

7. Docu‑réalité et télé‑réalité : des scores modestes mais rentables

Sur W9, « Un dîner presque parfait » enregistre 2,7 % de PDA (330 000 téléspectateurs) : un chiffre modeste mais rentable, le coût minute restant inférieur à 1 200 €. TFX décroche un 2,6 % avec la quotidienne de « Secret Story ». Ces performances, si elles ne font pas trembler TF1, assurent aux chaînes de la TNT un socle commercial pour vendre des écrans ciblés (18‑34 ans et acheteurs e‑commerce).

8. Journaux : l’info régionale toujours sollicitée

Le rendez‑vous « Ici 19/20 » prouve, malgré un léger repli, qu’un ancrage local reste essentiel : 1,85 M de fidèles pour 14,7 % de PDA. En comparaison, « Arte Journal » engrange 535 000 amateurs, bondissant de 91 000 en une semaine. Ce score, en forte progression, montre que la chaîne culturelle bénéficie d’un public à forte appétence géopolitique après les films de l’après‑midi.

9. Les jeux de France 3 : classique, mais efficace

Si « Questions pour un champion » perd du terrain, il reste l’une des valeurs sûres pour les seniors et les amateurs de culture générale. « Slam » compense en attirant un public plus jeune ; l’arrivée de Théo Curin a modernisé l’image et renforcé la dimension inclusive du programme. Ces deux jeux constituent un double tampon avant le JT, évitant les décrochages d’audience que France 2 subit parfois entre 17 h 30 et 18 h 30.

10. Tendances structurelles : quel avenir pour le pré‑access ?

Plusieurs signaux se dessinent :

• Fiction dominante : la sérialisation quotidienne de TF1 fonctionne et pourrait inciter France 2 à relancer un soap.
• Jeux en mutation : la gamification interactive (vote en appli, jackpot progressif) s’impose pour contrer la lassitude.
• Info locale renforcée : la réforme de la décentralisation audiovisuelle pousse France 3 à miser encore plus sur les décrochages régionaux.
• Food & feel good : la gastronomie demeure un terrain de consensus qui résiste aux phénomènes de mode.

11. Impacts publicitaires : la guerre des GRP

Sur la cible FRDA‑50, chaque point de PDA vaut environ 1,2 million d’euros de recettes publicitaires annuelles. TF1, avec un cumul de 33 % (deux feuilletons + docu‑réalité), sécurise un matelas confortable. France 2 flirte avec 20 % grâce à NOPLP, mais voit ses GRP s’éroder. M6, en embuscade, convertit ses 11,8 % en contrats premium pour des marques de boulangerie, de farines bio et d’électroménager. La bataille se joue donc autant sur le volume que sur la qualité démographique.

12. Un podium mouvant mais une hiérarchie respectée

Au terme de ce vendredi 6 juin 2025, TF1 conserve le leadership grâce à ses feuilletons, France 2 se stabilise malgré des pertes, France 3 prouve la pertinence de l’offre régionale et M6 confirme qu’un programme culinaire bien produit peut rivaliser avec des mastodontes dramatiques. Loin des coups d’éclat, ces chiffres rappellent l’importance de la cohérence de grille : fidéliser d’abord, recruter ensuite. Reste à voir si l’été, traditionnellement favorable aux jeux, donnera à Nagui l’occasion de reconquérir sa couronne ou si la fiction TF1 continuera d’avancer à pas de géant vers le prime.

Sources : Médiamétrie – Médiamat, chiffres préliminaires vendredi 6 juin 2025. Reproduction interdite, tous droits réservés.