Conflit autour du patrimoine de Marcel Pagnol : Nicolas Pagnol face à la mairie de Marseille
Depuis près de vingt ans, Nicolas Pagnol consacre sa vie à la valorisation de l'héritage culturel laissé par son grand-père, le célèbre écrivain et cinéaste Marcel Pagnol. Pourtant, cette mission de transmission s’est récemment transformée en conflit ouvert avec la municipalité de Marseille, autour de la gestion du château de la Buzine, site emblématique de l'œuvre de l’auteur provençal.
Le gardien de la mémoire Pagnol : une mission familiale
À la tête du fonds de dotation Marcel Pagnol et des sociétés familiales de gestion des droits depuis 2007, Nicolas Pagnol supervise avec rigueur la diffusion de l'œuvre littéraire et cinématographique de son grand-père. Depuis le décès de sa grand-mère Jacqueline Pagnol en 2016, il incarne seul la direction patrimoniale, assurant la promotion de projets culturels divers : films d’animation, produits dérivés, musée en préparation à Allauch…
Le château de la Buzine : de rêve cinématographique à théâtre de tensions
Acquis en 1941 par Marcel Pagnol pour en faire un "Hollywood provençal", le château de la Buzine symbolise un rêve d’enfance et un projet artistique visionnaire. Il est racheté ensuite par la ville de Marseille qui le transforme en lieu culturel. Géré pendant un temps par la Cinémathèque, puis par une association présidée par Nicolas Pagnol, l’endroit accueille expositions, projections et groupes scolaires.
Mais en 2023, la nouvelle équipe municipale menée par Benoît Payan décide de ne pas renouveler la délégation de gestion à Nicolas Pagnol, lui préférant un projet plus économique et plus conforme à ses priorités politiques. Une décision vécue comme un affront personnel et idéologique par l’héritier de Marcel Pagnol.
Une guerre culturelle et politique ouverte
Le 14 septembre 2023, lors d'une conférence de presse, Nicolas Pagnol dénonce publiquement la décision de la mairie : « Benoît Payan a pris notre discrétion pour de l’absence, et ma bonhomie pour de la faiblesse ». Il quitte les lieux en emportant scénarios, archives et photos de famille. Seules quelques affiches originales demeurent accrochées aux murs.
Ce désaccord dégénère en affrontement politique. La droite marseillaise accuse l’équipe municipale de vouloir "effacer la culture provençale". Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture, rétorque en qualifiant la Buzine d’"espace réservé à une élite". Des accusations de clientélisme, nourries par les amitiés politiques de Nicolas Pagnol, alimentent les tensions.
Une escalade judiciaire inédite
En septembre 2023, Nicolas Pagnol dépose plainte pour diffamation et injures publiques à l’encontre du maire et de cinq adjoints. En mars 2025, les six élus sont mis en examen. Puis, le 1er octobre 2024, une nouvelle plainte est déposée pour chantage et favoritisme, s’appuyant sur un enregistrement d’un appel téléphonique compromettant.
Le maire de Marseille, interrogé par Le Monde, réagit sobrement : « Je préfère me tenir loin de Nicolas Pagnol ».
Focus : Chronologie des événements autour du château de la Buzine
Date | Événement |
---|---|
1941 | Marcel Pagnol achète la Buzine |
2007 | Nicolas Pagnol devient président du fonds Marcel Pagnol |
2023 | La mairie ne renouvelle pas la gestion de la Buzine |
14 septembre 2023 | Conférence de presse et retrait des archives |
Octobre 2024 | Plainte pour chantage et favoritisme |
2025 | Mise en examen de six élus |
Allauch : un nouveau sanctuaire pour la mémoire Pagnol
Privé du château de la Buzine, Nicolas Pagnol reporte ses efforts sur la Bastide neuve, située à Allauch. Cette ancienne propriété familiale fait l’objet d’une restauration minutieuse, conduite par une équipe de bénévoles. Le projet est ambitieux : transformation en musée, salle de projection, aménagements patrimoniaux et même production artisanale d’huile d’olive.
En tant que PDG de la Compagnie Méditerranéenne de Films et des Éditions de la Treille, il garde la main sur chaque projet culturel, adaptation cinématographique ou publication dédiée à l’univers de Marcel Pagnol.
Un engagement viscéral pour un patrimoine vivant
Si les tensions avec la mairie marseillaise occupent l’actualité, l'œuvre de Marcel Pagnol continue de rayonner en France et à l’étranger. Traduite, adaptée, étudiée, elle reste l’une des plus grandes fresques littéraires du XXe siècle. Pour Nicolas Pagnol, la priorité reste claire : « Je suis hanté par la peur de tout rater », avoue-t-il, conscient de l’ampleur de la responsabilité qu’il porte.
Ancien snowboardeur professionnel, il a su troquer les pistes pour le patrimoine, avec une constance admirable. Malgré les obstacles, il incarne un gardien tenace de la mémoire provençale.
Conclusion : entre mémoire, passion et conflit d’héritage
Le litige entre Nicolas Pagnol et la mairie de Marseille illustre les tensions récurrentes entre héritage familial et gestion publique du patrimoine culturel. Ce conflit, au-delà des enjeux politiques, révèle l’attachement viscéral d’une famille à la mémoire d’un géant de la littérature française.
Alors que la Bastide d’Allauch devient le nouveau centre névralgique de cet héritage, l’œuvre de Marcel Pagnol semble, elle, indétrônable. Une Provence éternelle, transmise par un petit-fils fidèle, déterminé à ce que le nom de son grand-père ne disparaisse jamais derrière des querelles d’intérêts.
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