Le 30 juillet 2025, le magazine Vogue a publié dans son édition d’août une publicité pour la marque Guess qui a immédiatement déclenché une vague de réactions sur les réseaux sociaux. La raison ? La mannequin en vedette n’existe pas : elle a été entièrement générée par intelligence artificielle. Une mention discrète sur la double page de la publicité précise : « Produite par Seraphinne Vallora avec IA ».
Cette révélation a soulevé de nombreuses critiques, pointant du doigt le recours à une figure numérique au détriment des professionnels de la mode. Mannequins, photographes, maquilleurs, stylistes et autres acteurs de la création s’interrogent sur les répercussions d’un tel choix dans une industrie déjà confrontée à de nombreuses mutations.
Seraphinne Vallora : l’entreprise derrière l’expérience IA
À l’origine de ce projet, l’entreprise Seraphinne Vallora, fondée par Valentina Gonzalez et Andreea Petrescu. Contactées via Instagram par Paul Marciano, cofondateur de Guess, les deux créatrices ont été sollicitées pour concevoir une mannequin numérique dans le cadre d’une campagne estivale.
« Nous avons proposé dix prototypes et il a choisi une brune et une blonde », explique Valentina Gonzalez. Le modèle final, blonde aux yeux bleus, a été sélectionné pour incarner l’image de la marque. Les fondatrices insistent : l’objectif n’est pas de remplacer les mannequins humains, mais de proposer une alternative créative et technologique.
Un outil complémentaire ou une menace pour l’emploi ?
Pour Andreea Petrescu, l’IA représente un outil complémentaire, non un substitut. « Le processus nécessite l'observation d’un mannequin réel afin d’évaluer le rendu des vêtements, ce qui implique le recours à des photographes, stylistes et autres talents », précise-t-elle.
Guess, de son côté, affirme dans une publication Instagram du 27 juillet que cette création est le fruit du travail collectif de plusieurs experts : ingénieurs, développeurs, stylistes, mannequins et photographes. L’IA n’est donc, selon eux, qu’un maillon de la chaîne créative.
Réactions en chaîne : entre rejet éthique et interrogations sur l’avenir
Malgré ces justifications, les critiques pleuvent. Sur les réseaux, beaucoup s’inquiètent d’un glissement dangereux vers une industrialisation numérique de la beauté. Pour Felicity Hayward, mannequin grande taille, il s’agit d’une stratégie soit de buzz, soit de réduction des coûts au détriment de la diversité et de la santé mentale des consommateurs.
« Soit Guess cherche à faire parler d’elle, soit elle ignore les conséquences sociales de son choix », déclare-t-elle auprès de la BBC. La standardisation irréelle des corps promus par l’IA relance le débat sur l’image que renvoie l’industrie aux jeunes femmes, souvent en quête d’identification.
Beauté numérique : vers une normalisation des apparences irréelles ?
Le modèle IA utilisé pour la publicité Guess est jugé « réaliste » par ses créatrices. Pourtant, sa perfection numérique alimente les craintes de voir s’installer de nouveaux standards inaccessibles. Pour Andreea Petrescu, la publicité traditionnelle propose déjà des corps idéalisés, et l’IA ne ferait qu’en prolonger la logique.
Mais ce réalisme apparent masque des lacunes flagrantes. À ce jour, leur technologie ne permet pas encore de représenter des corps hors normes. « Nous ne pouvons pas encore générer des mannequins grande taille », reconnaissent-elles, soulignant les limites actuelles de leur modèle d’intelligence artificielle.
Un manque criant de diversité : l’algorithme en accusation
Au-delà des formes, la question de la diversité ethnique est également pointée du doigt. Valentina Gonzalez reconnaît que les images de mannequins avec différentes carnations ne génèrent pas l’engagement escompté sur Instagram. « Moins de likes, moins de portée », constate-t-elle.
Ce manque de représentativité révèle aussi les biais des algorithmes, influencés par les préférences supposées des utilisateurs. Une problématique récurrente dans l’IA visuelle, où les modèles minoritaires sont souvent sous-représentés ou invisibilisés.
Quels impacts sur les métiers de la mode ?
Métier concerné | Impact potentiel de l'IA | Adaptations possibles |
---|---|---|
Mannequins | Moins de sollicitations pour les campagnes numériques | Réorientation vers des événements physiques et collaborations hybrides |
Photographes | Diminution des shootings traditionnels | Expertise en mise en scène numérique et retouche |
Styliste | Création de vêtements virtuels pour avatars | Formation à la modélisation 3D et aux plateformes IA |
Graphistes | Compétition avec des visuels générés automatiquement | Création de filtres, de styles IA personnalisés |
Un tournant pour l’image de marque ?
Guess, en collaborant avec Seraphinne Vallora, ne cherche pas uniquement à innover technologiquement. Cette campagne alimente une stratégie de communication autour de la modernité, quitte à créer la polémique. Un pari risqué, mais potentiellement payant en termes de visibilité.
À travers cette opération, la marque se positionne comme pionnière dans l’adoption de l’intelligence artificielle dans le domaine de la mode. Toutefois, la réaction du public démontre qu’innover ne suffit pas : il faut aussi interroger les implications sociales, esthétiques et humaines de ces avancées.
Une révolution en marche, entre fascination et vigilance
L’intégration de mannequins générés par intelligence artificielle dans les campagnes publicitaires marque une étape charnière pour l’industrie de la mode. Elle ouvre la voie à de nouvelles pratiques créatives, tout en soulevant des enjeux majeurs liés à l’éthique, à la diversité et à la pérennité des métiers artistiques.
Plus que jamais, le secteur devra conjuguer innovation et responsabilité, afin de ne pas sacrifier l’humain sur l’autel du progrès technologique.
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